Belge d’origine, Alain Visser dispose d’un très beau parcours dans le monde automobile. Ex-GM, Opel et Volvo, l’homme ne mâche pourtant pas ses mots lorsqu’il parle du secteur dans lequel il évolue depuis toujours. « L’industrie automobile n’a pas évolué depuis 50 ans. On parle sans cesse de durabilité, mais le seul élément qui soit sustainable dans ce secteur, c’est l’électrification. Tout en restant un sujet complexe et tabou car une voiture électrique n’est pas toujours 100% durable si on regarde l’ensemble du processus. L’automobile est, selon moi, l’une des industries les plus non-efficientes de notre planète ».
Convaincu que le marché automobile tel qu’il se présente aujourd’hui ne répond plus aux besoins d’une part des consommateurs, il a donc décidé de lancer une toute nouvelle marque, baptisée Lynk&Co, voici maintenant 5 ans.
« Une voiture doit être connectée avant d’être puissante »
Le concept est simple : une voiture (la Lynk&Co 01), disponible en 2 coloris et sans option disponible (tout est de série), proposé soit à l’achat, soit à la location à la demande, ce qui vous permet de stopper le contrat à tout moment. Le tout pour un montant mensuel fixe très bas (550 euros) et lié à une plateforme qui permet de sous-louer sa voiture à d’autres utilisateurs lorsque vous ne l’utilisez pas vous-même. Simple, économique et efficace !
« Notre modèle est basé sur 3 tendances, reprend Alain Visser. D’une part le passage de la propriété à l’usage. On voit de plus en plus cette tendance à la dématérialisation en Europe, aux USA et en Chine : les gens ont moins d’attachement à leurs possessions. Ils ne considèrent plus comme nécessaire le fait de posséder leur véhicule. Seconde tendance : la mobilité sera toujours un besoin primordial chez l’Homme. Mais aujourd’hui, tout se fait autour de la connectivité. Regardez lorsque vous allez au restaurant avec partenaire, n’avez-vous pas votre smartphone à portée de main ? Une voiture moderne se doit donc d’être connectée. C’est cela qui compte pour la nouvelle génération, bien plus que le nombre de chevaux sous son capot. La troisième tendance, c’est qu’enfin nous – principalement les jeunes – nous inquiétons pour notre planète. Une entreprise se doit donc d’être durable si elle veut conserver son personnel. Lynk&Co n’est certainement pas l’entreprise la plus durable qui existe, mais nous faisons tout ce qui est possible pour l’être. »
« Une voiture rouge ? Allez voir ailleurs ! »
Et chez Lynk&Co, cette durabilité passe notamment par le fait de ne pas mettre en avant le véhicule proposé, mais bien le business-model. « Car plus vous partagez votre voiture avec d’autres utilisateurs, plus vous réduisez votre empreinte écologique », reprend Alain Visser. « Et en plus, vous la rentabilisez. »
La marque choisit aussi la simplification dans son offre. « Certaines voitures proposées sur le marché actuellement ont plusieurs millions de combinaisons possibles. Vous devez absolument vous rendre chez un concessionnaire pour configurer votre modèle. Chez nous, c’est très simple : 2 couleurs, 1 prix, pas de ristourne, pas d’option. Vous souhaitez une voiture rouge ? Allez voir ailleurs ! »
Et les concessionnaires ? Lynk&Co n’en possède pas. La marque dispose par contre de « Clubs » dans différentes villes d’Europe. Ils se veulent des lieux de rencontre, des espaces de travail partagé, des lieux d’exposition pour artistes locaux et peuvent même se transformer le temps d’une soirée en salle de concert. La Lynk&Co 01 y est bien sûr exposée, mais elle n’est pas forcément l’élément le plus visible du Club. La visite d’un Club est avant tout une expérience, une plongée dans l’univers de la marque. « Nous misons énormément sur nos Clubs et sur l’ambiance qu’ils proposent. Les personnes qui y travaillent ont aussi toute leur importance. Vous pouvez avoir le meilleur endroit au monde, si le personnel qui y travaille n’est pas à l’image du lieu, les clients n’accrocheront pas. »
Augmenter la notoriété de la marque
Le 26 novembre dernier, Lynk&Co ouvrait au public son 10e Club en Europe, dans la ville de Milan. Un endroit hype, coloré, moderne, qui vous fait passer en quelques secondes, grâce à sa décoration, de l’univers acidulé de ‘Charly et la Chocolaterie’ à un décor psychédélique ou au bureau chic d’une tireuse de tarots. Chaque club à sa propre identité. Celui d’Anvers propose aussi une expérience immersive assez étonnante. « Actuellement, nous sommes déjà actifs dans 7 pays et nous allons poursuivre notre développement dans de nouveaux pays d’Europe à l’avenir. Mais aujourd’hui, la priorité de la marque est d’augmenter son niveau de notoriété. Il faut que davantage de personnes sachent qui est Lynk&Co et ce que nous faisons. »
Car Alain Visser est persuadé que le concept plaira toujours à une plus large clientèle. « On voit clairement un effet Netflix parmi nos clients. Beaucoup prennent un abonnement pour un mois et conservent finalement la voiture plus longtemps. La moyenne des abonnements de nos clients est d’un an. Les longs délais d’attente des autres constructeurs sont aussi un atout pour nous. Et le COVID-19 a permis aux gens de se rendre compte qu’ils n’utilisaient finalement leur voiture que très peu de temps sur une journée. En moyenne 5% du temps. Le concept de la location prend donc tout son sens. Après un début un peu lent, la prise de commande pour nos modèles ne fait aujourd’hui que croître. Sur le marché des particuliers, 99% des commandes sont en abonnement mensuel. »
Et le fleet alors ? « Là aussi, il y a quelque chose à faire. Nous devons aller à la rencontre des gestionnaires de flotte et leur montrer qu’il existe une manière plus efficace de gérer leur parc. Et qui permettra à leur entreprise de faire des économies. »
Reste que Lynk&Co ne propose qu’un modèle PHEV et pas de full électrique, un vrai handicap pour attirer les clients fleet à l’avenir. « Le full électrique arrivera d’ici 2 ans, assure Alain Visser. Mais nous avons fait le choix de démarrer avec l’hybride car l’infrastructure de recharge est actuellement totalement insuffisante en Belgique. La croissance des EV’s est largement plus élevée que celle de l’infrastructure. Je lance un appel à nos politiciens qui poussent le full électrique, mais ne font rien pour développer l’infrastructure. Qu’attendent-ils pour investir ? Regardez les Pays-Bas ou la Norvège. Les dirigeants de ces pays-là ont compris comment aborder la transition. »
Autre particularité de Lynk&Co : ne pas disposer de concessionnaires ni d’ateliers. La marque se repose donc sur les garages de sa cousine Volvo. « Cela n’est pas un problème. La généralisation des voitures électriques va réduire la fréquence des visites en atelier. Non seulement parce que ces voitures nécessitent moins d’entretien, mais aussi parce que la qualité des voitures ne fait qu’augmenter. En nous reposant sur les ateliers Volvo, nous leur permettons de conserver leur niveau d’utilisation face à cette nouvelle tendance. Et si demain les concessionnaires Volvo ne suffisent plus pour prendre en charge nos véhicules, nous chercherons d’autres partenaires. »