Table ronde MA5: le remarketing face à ses défis et son avenir

Johan Verbois a commencé la journée en dressant un aperçu du marché automobile. « Le marché global (privé et fleet) européen n’est pas encore revenu à son niveau d’avant la crise Covid. En Belgique, le marché fleet gagne en importance et sauve la mise. En 2019, il représentait 57% des voitures neuves, tandis qu’en 2023, il en représentait 69% contre seulement 31% pour les voitures privées. »

Une hausse qui est le résultat aussi bien des voitures en leasing que des voitures immatriculées au nom des entreprises.

Si on se penche sur les motorisations, la percée de l’électrique est indéniable. Parmi les voitures immatriculées au nom d’une société, la part des motorisations thermiques est passée de 89% en 2019 à 33% aujourd’hui. L’hybride a connu une année 2023 record grâce à la fiscalité mais le soufflé retombe cette année (34%) tandis que le 100% électrique continue sa croissance avec un tiers du marché.

Pour les voitures immatriculées par les loueurs, cette tendance est encore plus marquée : le thermique est passé de 96% en 2019 à 32% aujourd’hui. L’électrique est aujourd’hui la motorisation la plus populaire avec 46% des nouvelles immatriculations.

Qui mieux que les acteurs du marché de l’occasion peuvent en parler ? Pour aborder les chiffres de ce marché, MA5 avait invité Michel Peelmans de CarPass. Selon les chiffres de Febiac relayés par l’association, 453.566 véhicules particuliers d’occasion ont été immatriculés sur les 8 premiers mois de cette année, ce qui représente une hausse de 4,2%. Sans grande surprise, les motorisations thermiques sont encore majoritaires avec une forte domination pour l’essence, mais le 100% électrique a enregistré une hausse de 86% par rapport à 2023 représentant 13.000 voitures. Au niveau des véhicules utilitaires légers par contre, c’est le diesel qui reste majoritaire et représente 90% des ventes d’occasion. L’électrique ne représentait sur les 8 premiers mois de cette année que 253 véhicules d’occasion vendus.

Il est par contre intéressant de noter que les prix des voitures d’occasion sont en chute libre. Les modèles 100% électriques ont ainsi vu leur prix moyen de vente sur le marché de la seconde main dégringoler de 72% depuis janvier 2023 selon les chiffres d’Indicata.

Paul-Henri Lenaerts, Directeur B2B de AUTO1.com a enchainé avec quelques chiffres de ses plateformes de ventes online. « En 2023, il s’est vendu 17.000 véhicules électrifiés (EV, PHEV, HEV) d’occasion sur AUTO1.com, soit 3,2% du total des véhicules vendus. 65% de ces véhicules ont en moyenne entre 1 et 5 ans et sont donc relativement neufs. Quant au tarif, il se situait pour 50% des VE de seconde main vendus l’an dernier sous la barre de 20.000 euros. »

Si seuls 42% des concessionnaires présents sur la plateforme ont au moins vendu un véhicule électrifié l’an dernier, ils sont 52% à prévoir d’en vendre en 2024.

Pour la plateforme 2ememain, dont la majorité des annonceurs online sont des professionnels, Alexander Prinssen a indiqué que les stocks de voitures électriques d’occasion sont encore très limités et que la demande pour les voitures d’occasion diminue depuis quelques mois. « Les voitures ont tendance à rester plus longtemps en ligne sur notre site »

Il a aussi fait remarquer que les consommateurs ont de plus en plus de mal à identifier la marque des modèles électriques en raison du design souvent différent de ceux proposés par des modèles thermiques de ces marques.

Les stratégies des constructeurs ont un effet direct sur la valeur résiduelle des véhicules d’occasion, influençant ainsi la viabilité des concessionnaires et la rentabilité des véhicules d’occasion.

Les constructeurs se concentrent de plus en plus sur la vente directe et la gestion des véhicules d’occasion via des canaux de revente spécifiques, ce qui modifie le marché traditionnel de la distribution des véhicules d’occasion.

Le marché évolue vers un modèle où l’expérience client devient plus centralisée, avec un processus “phygital” (combinaison de physique et de digital).

L’intelligence artificielle joue un rôle clé en optimisant le processus de gestion des ventes de véhicules, en améliorant l’expérience utilisateur et en permettant des prévisions de prix plus précises basées sur les données du marché.

Les marques doivent gérer la concurrence et optimiser l’approvisionnement des véhicules pour maintenir des prévisions de valeurs résiduelles cohérentes.

La gestion efficace des stocks et des opérations de remarketing est cruciale pour améliorer les ventes de véhicules d’occasion.

Les concessionnaires font face à des défis continus pour maintenir un roulement rapide des stocks, avec une part significative de véhicules restant en stock pendant plus de 90 jours, ce qui représente un obstacle à la maximisation des ventes.

Le leasing d’occasion peut représenter une solution idéale pour donner une seconde vie aux véhicules de société en fin de contrat. Lizy l’a bien compris et s’est lancé voici 5 ans dans ce créneau. « Depuis 2005, le prix des voitures a augmenté de 30% », indique Sam Heymans, CEO de Lizy. « Parallèlement, l’autonomie des EV augmente considérablement. En moyenne, elle était de 200 km en 2019 et est aujourd’hui aux alentours de 400 km. Selon les projections, la part des voitures privées ne va faire que diminuer dans les années à venir. En 2035, on estime que 70% des voitures seront des véhicules de société. Le multi-life cycle lease est donc une solution idéale ».

D’abord en matière de valeur résiduelle. Car prendre un véhicule sur une plus longue période permet de réduire les risques. Les marges sont aussi plus importantes si on peut releaser un véhicule. Selon Sam Heymans, aujourd’hui, on release déjà 70% des voitures en fin de contrat.

Les outils numériques sont d’une importance capitale dans le domaine du remarketing. Ils permettent de gagner du temps dans les processus et de les rendre plus fiables. La plateforme Go Remarketing couvre par exemple l’ensemble du flux de données des véhicules d’occasion, depuis l’inspection, la revente, jusqu’à la gestion des stocks. Des outils comme “FlexFlow” aident à réduire les délais internes grâce à un suivi automatisé des processus.

Go Remarketing propose aussi un certificat pour assurer l’état de santé (SoH) de la batterie des VE ou encore des solutions d’abonnement pour l’entretien des véhicules permettant une planification stable des ateliers et une fidélisation accrue des clients, tout en offrant une assurance de revenus mensuels pour les concessionnaires.

Il existe également des solutions comme AutoChat, qui permet, via l’intelligence artificielle, de répondre via un chatbox aux questions des clients en ligne.

Quant à la société néerlandaise JP.cars, elle relève de façon indépendante des informations en temps réel sur les données des véhicules aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Informations qui permettent aussi de savoir combien de véhicules un vendeur a-t-il en stock, combien de temps chaque véhicule reste dans ce stock et à quelle vitesse chacun est vendu.

Selon l’organisation Transport & Environment (T&E), le transport n’est pas un problème en matière de climat, il est LE problème. « Les voitures de société sont responsables de 74% des émissions de CO2 en Europe », indique Stef Cornelis, Director Electric Fleets Programme chez T&E. « L’électrification se développe trop lentement en Europe, mais heureusement, la Belgique fait exception à cette règle grâce au marché des flottes. »

Selon lui, il manque encore trop de modèles VE abordables et une politique encore plus stricte en Europe pour pouvoir réussir la transition énergétique. L’Europe devrait par exemple instaurer un passeport pour l’état de santé des batteries des VE ou lancer des initiatives comme le leasing social qui existe en France.

C’est d’ailleurs ce que propose Moba : un outil qui permet de déterminer l’état de santé de la batterie des VE en quelques minutes. « La dégradation des batteries est hétérogène, indique Guillaume Hébert, CEO de Moba. « Il faut différencier la dégradation en fonction de l’âge et en fonction du kilométrage du véhicule électrique. Car la manière dont la batterie a été utilisée impacte fortement le SoH. Si une voiture est récente, mais est restée à l’arrêt sans recharger sa batterie pendant plusieurs mois, cela aura un impact négatif sur sa durée de vie. Cette batterie pourrait durer moins longtemps que celle d’un véhicule plus ancien dont la batterie est rechargée régulièrement.

MA5 Used Vehicle Consulting Group a été fondé par quatre professionnels spécialisés dans le consulting, la formation et les audits sur les véhicules d’occasion. Leur collaboration permet d’offrir un service complet dans ce secteur, avec une portée internationale grâce à des partenaires associés.

C’est à MA5 que l’on doit cette première table ronde sur le remarketing avec pour objectif de rassembler les parties prenantes pour discuter de ces tendances, notamment les défis locaux et internationaux, et de trouver des solutions concrètes. Le succès de cette initiative pourrait en faire un événement annuel pour l’industrie des véhicules d’occasion.