Le 20 juin 2022 à 14h29
par Jeroen Evens

Retards de livraison : comment gérer pour mon parc automobile ?

Arrêt de lignes de production en raison de la pandémie de Covid-19, pénurie de semi-conducteurs et plus récemment de câbles produits en Ukraine en raison de la guerre qui frappe ce pays, le marché automobile n’est pas épargné ces derniers mois. Résultat : les délais de livraisons des voitures neuves explosent. Pour certains modèles, on parle de plus d’un an d’attente ! Comment gérer son parc automobile face à une telle situation ? link2fleet vous donne quelques conseils.

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Quick-catch  

– Sur certains modèles, il faut compter plus de 15 mois de délai entre la commande et la livraison
– Le problème se pose uniquement en Europe, en raison de l’obligation à passer à des véhicules électriques, gourmands en semi-conducteurs
– Certaines sociétés de leasing proposent de prolonger les contrats actuels de véhicules sans ou à moindre frais
– Pensez à optimiser votre parc en échangeant par exemple des véhicules entre conducteurs ou en attribuant des véhicules de pool
– La location court-terme ou d’occasion peuvent aussi vous apporter des solutions 

Dans une interview réalisée peu après sa victoire aux link2fleet awards 2021, Caroline Ceustermans, Fleet & Mobility Manager de Swift et fleet owner of the year 2021, nous avouait la difficulté de gérer une flotte dans une telle situation. « Ces derniers mois, je dois régulièrement annoncer à mes conducteurs que leurs véhicules sont reportés de parfois plusieurs mois et je dois trouver des solutions pour qu’ils restent mobiles en attendant l’arrivée de leur nouveau véhicule. Dans d’autres cas, il m’est arrivé de recevoir des véhicules dont certaines options étaient manquantes en raison de cette crise des semi-conducteurs. C’est difficile de faire accepter à un conducteur qu’il reçoit un véhicule moins bien équipé que ce qui figure sur son bon de commande. » 

Cette situation, c’est celle que connaissent tous les gestionnaires de flotte à l’heure actuelle. Et les constructeurs et importateurs sont malheureusement impuissants face à la situation mondiale.  

15 mois, c’est par exemple le délai actuel entre la commande et la livraison d’une Audi Q4 e-Tron. Mais cet exemple est loin d’être isolé, tous les constructeurs subissent plus ou moins de façon équitable cette succession de crises qui touche le secteur.  

Un problème très… européen ! 

« On est tous dans le même bateau », déplore Olivier Sermeus, COO d’Astara Western Europe, nouveau nom du groupe Alcomotive. « Le problème, c’est que pour atteindre les objectifs en matière de CO2 qui ont été fixés par l’Europe, on pousse les constructeurs et les importateurs à favoriser la vente des véhicules plug-in hybrides et full électriques, soit justement ceux qui nécessitent une plus grande quantité de semi-conducteurs. Ce n’est donc pas seulement la crise du Covid-19 qui a mené à cette situation, c’est aussi la hausse de la demande pour ces véhicules. Il suffit de regarder le marché de l’Amérique du Sud où il n’y a pas de demande pour des PHEV et full EV parce que la fiscalité ne l’impose pas : il ne connait aucun souci de livraison de véhicules ! Le problème actuel est uniquement européen. On essaie évidemment de trouver des solutions, comme proposer des voitures de remplacement à nos clients qui attendent leur nouveau véhicule, mais cela commence à devenir très compliqué car la demande ne cesse d’augmenter. Et malheureusement, je crains que nous ne sortions pas de cette crise avant début 2024, sans savoir ce qui peut nous tomber dessus ensuite… Il y a eu le Covid-19 puis la guerre en Ukraine. On n’est malheureusement pas à l’abri d’un troisième événement qui vienne encore empirer la situation… »  

Privilégier les EV 

Chez Volvo Car Belux, on est justement parti de cette obligation européenne de limiter les émissions de CO2 pour favoriser les modèles électriques sur les chaines de production. « Notre politique consiste à garantir une production plus rapide sur les véhicules full électriques et, ainsi, à orienter les clients professionnels à opter pour des EV. C’est aussi une façon de pousser l’électrification du parc fleet », confie Hamza Chaaban, COO. « Concrètement, nous produisons en priorité les modèles EV, puis les PHEV et finalement les modèles à motorisations thermiques. En termes de délais de livraison, cela se traduit par une durée moyenne de 6 à 7 mois pour un véhicule électrique et jusqu’à 10 à 12 mois pour un modèle thermique. » 

Eric Laforge, Head Of Stellantis LCV Enlarged Europe, nous confiait aussi récemment que « les délais de production et de livraison du Fiat e-Ducato sont beaucoup plus courts que ceux de la version diesel du fourgon Ducato. » La politique semble donc être la même au sein du groupe Stellantis. 

Conséquences sur le long-terme 

Bas Viveen, Directeur général de Peugeot Belux, pointe quant à lui les conséquences à long-terme que cette situation va générer. « Chez Peugeot, nous sommes très impactés par cette situation car nos véhicules sont très technologiques. Et technologie rime forcément avec puces. Notre portefeuille de commandes est bien rempli et heureusement, notre réseau est parfaitement capable d’expliquer l’impact de la situation actuelle sur notre production de véhicules. Malheureusement, il faudra prendre en compte l’impact à long-terme du contexte actuel avec les hausses de prix du gaz, de l’électricité, mais aussi l’inflation générale et l’augmentation des salaires. Un véhicule qui est commandé aujourd’hui sera produit dans 8 à 10 mois. On ne peut malheureusement pas prédire l’augmentation de l’inflation à long-terme, ce qui signifie que le coût d’un véhicule aujourd’hui et dans 8 à 10 mois pourrait être très différent. Nous devons donc rester vigilants pour garder la maîtrise de nos coûts. » 

Anticiper pour mieux gérer 

Plus que jamais, le meilleur conseil que les experts du secteur donnent aux gestionnaires de flotte, c’est l’anticipation. Si vous devez remplacer des véhicules existants ou commander de nouveaux véhicules, prenez-vous-y le plus tôt possible ! Et privilégier les véhicules de stocks – tant qu’il en reste – ou les modèles pour lesquels les délais de production sont les plus courts. Votre Key Account, fleet manager ou concessionnaire pourra évidemment vous aiguiller en la matière. Notez aussi qu’en supprimant certaines options – qui nécessitent donc ces fameux semi-conducteurs -, vous pourrez peut-être réduire sensiblement les délais. 

Voiture d’attente 

Evidemment, vos conducteurs doivent rester mobiles en attendant leur prochain véhicule. Certains concessionnaires ou importateurs disposent d’une flotte de véhicules d’attente ou de remplacement qu’ils peuvent mettre à disposition pour une courte, voire une moyenne durée. Mais comme le soulignait Olivier Sermeus un peu plus haut, la demande grandissante commence également à réduire considérablement les stocks.  

Prolongez vos contrats 

Cette situation est peut-être l’occasion idéale pour effectuer une analyse complète de votre parc automobile afin de déterminer le kilométrage de chaque véhicule et l’échéance de chaque contrat. La crise du Covid-19 et la généralisation du télétravail ayant réduit considérablement nos déplacements, certains de vos véhicules ont peut-être parcouru beaucoup moins de kilomètres que ce qui était prévu dans leur contrat. Dans ce cas, il vous sera certainement possible de négocier avec votre loueur une prolongation du contrat actuel. Certains loueurs se montrent tolérants et flexibles en la matière et décident d’ailleurs de ne pas facturer – ou en tous cas pas entièrement – le dépassement de kilomètres comparé au contrat initial, tant que celui-ci n’est pas abusif évidemment. En prolongeant vos contrats, vous devriez, en plus, pouvoir profiter d’une mensualité logiquement réduite.  

Switch entre conducteurs 

En analysant votre parc automobile, vous pourrez aussi déterminer si certains conducteurs utilisent vraiment très peu leur véhicule ces derniers mois. Dans ce cas, il sera peut-être opportun de négocier avec vos conducteurs pour échanger des véhicules entre ceux qui parcourent toujours beaucoup de kilomètres et ceux qui en font moins.  

De même, si vous disposez d’une flotte de véhicules de pool qui sert très peu, pensez à attribuer ces véhicules à des conducteurs qui en ont besoin dans l’attente de leur prochain véhicule. N’oubliez évidemment pas de signaler ces changements de conducteurs à la société de leasing si nécessaire.  

Pensez au court-terme 

Les sociétés de location court-terme peuvent également vous apporter des solutions rapides dans cette période. Elles disposent en effet souvent d’une large gamme de véhicules directement disponibles qui peuvent répondre aux besoins de vos conducteurs pour une courte, voire une moyenne durée. Ici évidemment, il faudra prendre en compte le coût mensuel souvent plus élevé d’une location court-terme comparé à une location long-terme.  

Plusieurs sociétés de location court-terme ont d’ailleurs réagi dès les premières annonces des constructeurs et ont élargi leur offre. Hertz a par exemple annoncé récemment avoir passé commande de 65.000 nouvelles Polestar qui viendront grossir son catalogue international au fur et à mesure dans les 5 années à venir. Car Polestar fait justement partie des exceptions : la marque full électrique du groupe Geely assure pouvoir encore livrer dans des délais n’excédant pas 2 mois. “Car contrairement à certains concurrents qui fabriquent uniquement sur base des commandes, nous fabriquons à l’avance et disposons donc de véhicules de stock en suffisance”, indique Filip Rouma, Key Account Manager de Polestar. “Mais la demande est forte et il y a de fortes chances que notre stock diminue rapidement.” 

Marque sœur de Polestar, Lynk & Co peut aussi vous apporter une solution facile à court-terme. La marque propose un service d’abonnement sans engagement : vous louez une voiture hybride rechargeable pour un montant fixe de 500€/mois – tous frais compris excepté le carburant et l’électricité – et vous pouvez stopper le contrat à tout moment. Rendez-vous en pages 50 et 51 de ce magazine pour découvrir notre article sur le concept Lynk & Co. 

Et pourquoi pas une occasion ? 

Le leasing d’occasion en est encore à ses prémices sur notre marché, mais il se pourrait bien que la crise actuelle lui donne un coup de boost. Des sociétés comme Lizy se sont spécialisées dans le domaine et proposent de remettre sous contrat des véhicules de société en parfait état, ayant très peu roulé. On trouve donc dans l’offre presque tous les modèles disponibles actuellement en neuf sur le marché, y compris les dernières nouveautés électriques. Et cela bien sûr, disponible de suite et avec un loyer mensuel plus faible qu’un véhicule neuf.  

Olivier Sermeus met toutefois en garde : « La demande pour des voitures d’occasion grimpe, tout comme leur prix ! Il suffit de regarder les prix qui s’envolent sur certains modèles sur les plateformes d’occasion. Et plus le temps va avancer, plus l’offre va se restreindre. J’ai bien peur qu’à court-terme, cela va devenir compliqué de trouver des véhicules traditionnels en occasion, tandis que les véhicules électriques restent encore

Jeroen Evens

Jeroen Evens, rédacteur de cet article

Jeroen Evens a suivi une formation en communication (KULeuven) et suit avec enthousiasme tout ce qui touche à la mobilité et aux véhicules de société. En tant que journaliste indépendant spécialisé dans le secteur fleet, il suit depuis trois ans les dernières évolutions de notre secteur.
Cet article parle de : Gestion de flotte

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