link2fleet : Monsieur Sermeus, dites-nous en un peu plus sur le groupe Astara et notamment sur sa division Western Europe ?
Olivier Sermeus : « Il s’agit du nouveau nom de la joint-venture entre Bergé Auto et Alcopa qui dispose d’une présence internationale et d’un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros en 2021 pour un peu plus de 200.000 véhicules vendus. Dans toute l’Europe, nous comptons 711 points de vente, dont 300 au Benelux. Si au Benenlux, nous commercialisons 6 marques (Hyundai, Maxus, SsangYong, Suzuki, MG et Isuzu), d’autres marques font partie de notre portefeuille sur d’autres marchés comme Aywais en Suisse par exemple. Le secteur automobile étant actuellement en nette évolution en raison des nouvelles tendances et des besoins des clients, nous devons nous concentrer sur nos points forts. Ainsi, la combinaison du savoir-faire, du soutien et des capacités mondiales d’Astara, avec l’expérience et les connaissances locales de notre équipe, nous permettra d’offrir à nos clients les meilleurs produits et solutions de mobilité. Ensemble, nous continuerons à travailler sur cette croissance, avec pour objectif un volume annuel de 40.000 véhicules ».
l2f : Cela signifie-t-il qu’Astara pourrait proposer à l’avenir des marques supplémentaires au Benelux ?
O.S. : « Nous ne fermons aucune porte. Qu’il s’agisse de nouveaux acteurs sur le marché, mais aussi de marques déjà présentes au Benelux via d’autres importateurs. Il y a en permanence des discussions entre importateurs. »
l2f : La naissance d’Astara change-t-elle quelque chose à la stratégie des concessionnaires ?
O.S. : « Non, la vente et le marketing restent séparés pour chaque marque. Cela signifie que chaque dealer conserve son portefeuille de marques. On ne demandera pas à un concessionnaire de vendre des marques qu’il n’a pas. Mais son rôle sera d’essayer de le convaincre de choisir d’autres marques et du groupe et de renvoyer ensuite le lead à notre équipe fleet qui sera alors chargée de renvoyer le client vers le concessionnaire le plus adapté. Chez Astara, toutes les ventes fleet passent automatiquement par le réseau. Notre fleet team locale par contre propose l’ensemble de nos marques, tout comme nous nous profilerons dorénavant sur les événements en tant que groupe ‘Astara’ avec l’ensemble de nos marques. »
Vente par internet ? « Oui, mais… »
l2f : Certains constructeurs ou importateurs misent aujourd’hui beaucoup sur la vente (exclusivement) par internet. Vous y croyez ?
O.S. : « C’est effectivement une tendance en plein développement, mais ça reste encore embryonnaire. Chez nous aussi, beaucoup de clients cherchent et configurent leur véhicule online. C’est ce qui explique la baisse de fréquentation des showrooms, mais je ne vois pas forcément cela d’un mauvais œil car les visites dans les showrooms sont, de ce fait, beaucoup plus qualitatives ! Les personnes qui y entrent ne viennent pas pour flâner ou chercher leur prochain véhicules, elles savent déjà exactement ce qu’elles veulent. Je ne pense pas que la vente par internet fera disparaitre le métier de concessionnaire, mais nous devons le faire évoluer et augmenter le niveau de connaissance de nos vendeurs sur des thèmes tels que la fiscalité, les bornes de recharge, les solutions de mobilité, etc. Le concessionnaire aura davantage à l’avenir un rôle de conseiller face aux solutions de (e-)mobilité pour les entreprises et encore davantage pour les PME. Cette évolution va se jouer très rapidement et je suis certain que celui qui ne voudra pas évoluer aura un avenir difficile… »
l2f : D’autant qu’avec les véhicules électriques, on sait aussi que les revenus liés à l’après-vente et aux entretiens vont considérablement chuter…
O.S. : « Tout à fait. Mais cette perte, les concessionnaires devront pouvoir la compenser en proposant par exemple la vente de produits et services périphériques, comme des bornes de recharge ou des solutions de mobilité. En Espagne, le groupe Astara dispose déjà d’une offre de car-sharing. En Belgique, ce genre de service a encore un peu de mal à s’installer, mais cela viendra, comme Netflix ou Hello Fresh y sont parvenus. Qui aurait cru il y a 5 ans qu’on pourrait éviter de se déplacer en magasin et se faire livrer ses courses à domicile ? Dans la société d’aujourd’hui, tout ce qui peut nous faire gagner du temps est promis au succès. L’automobile passera aussi par-là car les gens veulent gagner du temps pour leurs temps libres et la voiture n’est plus la seconde chose qu’on veut posséder après une maison comme c’était le cas avant. Aujourd’hui, la nouvelle génération cherche plutôt le meilleur moyen de se déplacer. »
L’électrique pour tous ?
l2f : On voit aussi de plus en plus de constructeurs ou d’importateurs se lancer dans le marché de la mobilité alternative. Est-ce-une des pistes que vous étudiez pour l’avenir ?
O.S. : « Le groupe Astara va développer ses services de mobilité sous les divisions Astara Store (plateforme de vente digitale), Astara Connect (data), Astara Move (pay-per-use mobility) et Astara Intelligence (solutions de mobilité sur-mesure pour entreprises). Il est clair que nous devons investir dans ce secteur pour répondre à la demande des usagers. A l’avenir, la voiture sera une des solutions d’une proposition globale de mobilité. D’autres produits et services vont donc voir le jour sous le label ‘Astara’. Cependant, il faudra s’adapter à la réalité de chaque pays, car les besoins de mobilité en Allemagne ou aux Pays-Bas ne sont certainement pas les mêmes qu’en Belgique ou au Luxembourg. L’opérationnel sera différent, mais les plateformes seront identiques. Je ne pense pas que nous allons racheter des magasins de vélos comme le fait D’Ieteren avec Lucien par exemple, mais on pourrait imaginer de vendre des vélos chez nos concessionnaires. On voit aussi des constructeurs travailler sur des projets de livraison d’objets via des drônes. Je ne pense pas que nous allons développer ce genre de services. Par contre, on pourrait développer les plateformes qui permettront l’utilisation de ces services. »
l2f : L’électrification pour tous, c’est vraiment l’avenir ?
O.S. : « Je suis convaincu par l’électrification, mais la stratégie de la majorité des constructeurs n’est, à mon sens, pas la bonne. L’électrification commence souvent par les modèles les plus haut-de-gamme – et donc les plus chers. Alors que finalement, qui peut se les offrir ? MG va à l’inverse de cette tendance en essayant de rendre l’électrique accessible à tous. Contrairement à ce qu’on répète beaucoup, je ne pense pas que le prix des véhicules électriques va diminuer dans les années à venir. J’aurais même tendance à dire que leur prix va continuer à grimper. Tout simplement parce que l’offre ne va cesser de croître. »