link2fleet : Comment décririez-vous l’évolution de la mobilité ces dernières années ?
Laurent Loncke : « On a d’abord longtemps vécu dans une société basée sur la monomobilité, autrement dit on donnait simplement aux conducteurs fleet la possibilité de choisir une voiture diesel dans une car-policy. Puis, on est passé à la multimobilité en matière de motorisation avec l’arrivée du CNG et des différentes variantes électrifiées. Aujourd’hui, on est dans un contexte de multimobilité totale avec non seulement différents choix de motorisations, mais aussi un panel de solutions de mobilité alternatives. En matière de voiture de société, il y a longtemps eu un manque de vision d’avenir en Belgique. Elle a beau faire partie du package salarial, on s’est souvent demandé ces dernières années comment ce système allait perdurer à l’avenir. Aujourd’hui, on sait que cet avenir sera électrique. La vision est claire, et il est désormais beaucoup plus facile pour nous, les loueurs, de conseiller nos clients. »
l2f : La crise du Covid-19 a toutefois bouleversé nos habitudes de mobilité ?
L.L. : « Le Covid-19 a effectivement induit un ‘new normal’ avec la généralisation du télétravail et le fait qu’on bouge beaucoup moins. Certains usagers ont décidé de prendre davantage les transports en commun, tandis que d’autres l’ont plutôt délaissé pendant cette période en raison des mesures sanitaires et de la promiscuité qu’ils induisent. Et aujourd’hui, ils continuent à les utiliser moins car ils ne se rendent plus autant au bureau. Le passé nous a montré que la voiture avait un rôle central dans notre société et qu’elle gardera encore cette position un moment. »
l2f :Comment imaginez-vous la mobilité dans 20 ans ?
L.L. : « Je pense que la voiture sera toujours là, mais elle sera sans émission. Et je ne la vois pas exclusivement électrique. L’hydrogène à clairement un avenir pour les grands volumes et les futurs carburants synthétiques qui rejetteront quelque chose de propre dans l’air ont aussi un bel avenir à mon sens. Pour inciter les usagers à passer à la mobilité autonome et assurer la sécurité de ces véhicules dans le reste de la circulation, des voies seront certainement dédiées aux transports autonomes. La mobilité aura toujours sa place, principalement dans les villes, mais le transport en commun devra être mieux organisé. On va renforcer les solutions ‘propres’ de la production à l’usage et les solutions qui produiront encore du CO2 seront fortement taxées pour inciter à en réduire l’usage. Si je peux me permettre un peu de créativité, j’imagine aussi des voitures volantes. Ca peut paraitre encore fou aujourd’hui, mais il faut garder un peu de place pour la créativité. Car je suis certain que d’autres solutions, que nous ne soupçonnons même pas aujourd’hui, verront le jour dans les années à venir. »
l2f :Dans cet avenir multimodal et avec moins de voitures, quelle sera la place des sociétés de leasing ?
L.L. : « Je suis convaincu que notre métier a encore un bel avenir devant lui, mais en évoluant de celui de loueur à fournisseur de mobilité durable. Il y a 10, on aidait nos clients à choisir des véhicules thermiques, aujourd’hui, on les conseille dans leur mobilité électrique, demain, on les guidera dans leur mobilité. Notre métier consistera demain à centraliser l’accès à toutes les solutions de mobilité durable pour tout le monde via un budget de mobilité, donc pas uniquement pour les personnes qui disposent d’une voiture de société aujourd’hui. Ainsi, nous allons pouvoir soulager les mobility managers dans la création d’une mobilité sur mesure pour chaque collaborateur. »
l2f :Et comment pensez-vous que la fiscalité automobile fleet va évoluer ?
L.L. : « Elle a beau avoir souvent été pointée du doigt, la voiture de société joue aujourd’hui un rôle essentiel dans notre pays. C’est elle qui booste l’électrification et cela va lui assurer un avenir au minimum pour les 10 prochaines années. De toute façon, si elle devait disparaitre, il faudrait revoir le package salarial en Belgique et proposer davantage de budgets de mobilité. Sauf que dans ce budget de mobilité, il est toujours possible aussi d’opter pour une voiture, par exemple en prenant le montant cash du pilier 3 pour acquérir un véhicule en private lease. »
l2f : Le private lease a peut-être alors aussi un bel avenir devant lui ?
L.L. : « Oui, car une voiture électrique est souvent trop chère pour les particuliers, même en occasion. Je pense que d’ici quelques années, lorsque les particuliers vont aussi devoir effectuer le switch vers l’EV, on va assister à un boom des leasings privés sur des véhicules électriques d’occasion. Chez Arval, nous avons d’ailleurs lancé notre produit RE-Lease, qui consiste à remettre sur le marché un véhicule de leasing après son premier contrat de 4 ans. Aujourd’hui, le produit concerne des modèles thermiques, mais demain, il sera clairement adapté aux électriques. Et cela va booster les activités de remarketing. »
l2f : Le belge, même particulier, serait donc prêt à ne plus posséder une voiture personnelle ?
L.L. : « Je le crois oui. On est clairement en train de passer d’une société de la possession à une société basée sur l’usage. Et pas uniquement dans l’automobile. Pensez par exemple à Netflix pour la télévision. C’est une façon de consommer sans surprise. On sait ainsi exactement à la fin du mois combien on va payer pour sa voiture. »