Le 9 décembre 2023 à 16h50
par Damien Malvetti

Safety-policy: l’intégrer intelligemment et efficacement

La mobilité des travailleurs est devenue un concept central dans le monde des entreprises. Il est essentiel que les employés puissent se déplacer de manière fluide et efficace. Mais cette nécessité s’accompagne également de responsabilités. Comment les entreprises assurent-elles la sécurité de leur personnel lors de ces déplacements ? Et comment traduire cela dans une politique de sécurité ? Qui mieux que des experts en la matière peuvent répondre à ces questions ?

Cet article a pour but de vous aider à mettre en place une safety-policy efficace. Que doit-elle contenir ? Quelles mesures les entreprises doivent-elles prendre pour réduire le nombre de sinistres et quelles étapes de prévention sont nécessaires ? La communication joue un rôle crucial dans l’efficacité d’une safety-policy. Comment les entreprises peuvent-elles efficacement communiquer sur le sujet avec leurs collaborateurs ? Nous allons également voir comment les entreprises peuvent suivre leurs statistiques d’accidents et les gérer pour les améliorer durablement dans le temps.

Au travers d’interviews approfondies avec différents experts, nous avons tenté de formuler un plan d’actions complet pour les entreprises qui s’efforcent d’assurer la sécurité et l’efficacité de leur politique de mobilité.

Vers une culture de mobilité plus sûre

Commençons logiquement par la question de savoir à quoi ressemble une safety-policy parfaite. Erik Blankaerts, Executive Risk Solution Manager Mobility chez Vanbreda Risk & Benefits, affirme qu’une politique de sécurité doit être une partie, ou une traduction, de la culture globale de la sécurité au sein de l’entreprise.

« Les collaborateurs doivent considérer une safety-policy comme un signal qui montre que leur employeur se soucie de leur sécurité. Pour que cette politique de sécurité soit un succès, il est primordial qu’elle ne soit pas perçue comme une obligation, mais plutôt comme une évidence dont chacun est convaincu de l’utilité et de la valeur ajoutée. »

Erik Blankaerts de Vanbreda souligne également qu’il n’est pas facile de créer une safety-policy uniforme qui soit également efficace pour toutes les entreprises. « Beaucoup d’éléments dépendent évidemment du type d’entreprise, de sa localisation et des véhicules qu’elle utilise principalement. Une société dont la majorité des véhicules sont des camions ou des camionnettes n’aura pas les mêmes besoins en matière de sécurité qu’une entreprise où les employés disposent de voitures particulières. Tout comme une entreprise située dans un centre urbain devra prendre en compte d’autres aspects qu’une entreprise située dans un zoning ou en pleine campagne.

Une politique efficace

Une politique de sécurité efficace reflète donc les valeurs de l’entreprise et est différente pour chaque société. Mais quels types de mesures doit-elle absolument inclure ?

Al Pijnacker Managing Director chez l’assureur AON insiste sur l’importance des données pour formuler des règles précises : « Mesurer, c’est savoir ! », dit-il. « En disposant d’une image claire des statistiques de dommages et des performances de sa flotte, une entreprise peut prendre des mesures ciblées. » Plutôt que de se concentrer sur tous les éléments, Al recommande de mettre le focus sur les trois problèmes les plus courants rencontrés au sein de la flotte de l’entreprise.

Luigi Vroman, Manager de VIAS Academy suit les conseils d’Al Pijnacker et conseille d’analyser en premier lieu ce qui ne fonctionne pas. « Les trois plus grandes causes d’accidents sont les infrastructures dangereuses, le véhicule lui-même et le conducteur. L’infrastructure est du ressort du gouvernement, mais nous pouvons faire quelque chose pour le véhicule lui-même et le conducteur. Les entreprises peuvent, par exemple, inclure dans leur police d’assurance automobile que certains systèmes d’aide à la conduite sont obligatoires. Il suffit de penser aux systèmes de freinage automatique, aux capteurs de stationnement ou au régulateur de vitesse adaptatif, combiné ou non à l’assistance au maintien de la trajectoire. »

Une entreprise peut aussi inclure des mesures pour aider les conducteurs à prendre la route en étant aussi préparés que possible. « Nous voyons que dans les voitures d’aujourd’hui, il y a non seulement beaucoup plus de systèmes d’aide à la conduite, mais aussi beaucoup plus de technologies. De plus, l’accélération et le freinage peuvent sembler différents dans un nouveau véhicule (électrique). Pour apprendre aux conducteurs à gérer cela, vous pouvez, par exemple, organiser un cours de formation à l’usage où les employés reçoivent des explications plus techniques sur leur (nouvelle) voiture, en plus de conseils pour rouler de façon défensive et écologique. »

Investir dans la prévention

Pour parvenir à mettre en place une culture de la sécurité, il est essentiel de commencer par la base : l’éducation. Des formations et des ateliers réguliers peuvent fournir aux employés les dernières connaissances en matière de sécurité routière. En investissant dans la connaissance, les risques sont connus avant qu’ils ne deviennent des problèmes.

« La prévention est la clef », confirme Erik Blankaerts. « La plupart des accidents sont le résultat d’une erreur humaine. Si vous faites en sorte que, grâce à une formation spécifique, les employés puissent conduire leur vélo ou leur voiture de manière plus sûre, reconnaissent mieux les dangers et sachent mieux comment y remédier, le nombre d’accidents va de toute façon diminuer. »

A qui donner ces formations ? Tous les profils de conducteurs entrent-ils en ligne de compte ? Al Pijnacker conseille de d’abord déterminer les différents types de collaborateurs qui composent votre entreprise. « Qui sont les cowboys ? », doit-on se demander. Il faut donc moins se concentrer sur les bons conducteurs, et davantage sur les mauvais profils. « La prévention est une question d’éducation, n’embarrassez donc pas les bons conducteurs avec cela. »

Quant à savoir comment orienter cette prévention, elle peut prendre de nombreuses directions, explique Al. « Elle peut se faire par le biais de la formation, mais aussi, par exemple, en donnant des conseils et en répétant régulièrement les choses importantes. La prévention peut passer par des formations en face à face, mais elle peut aussi être plus créative et positive, en choisissant un ‘conducteur du mois’, par exemple. »

La communication ouverte, un atout

Outre l’éducation, la communication ouverte est cruciale. Les commentaires des employés sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas fournissent des informations précieuses qui peuvent conduire à des améliorations de la politique de sécurité. De plus, en impliquant activement les employés dans l’élaboration de cette politique, on crée une volonté commune de rendre la route plus sûre pour tout le monde.

Chez nos trois experts, on entend revenir les mêmes concepts de base : la transparence et l’interaction avec vos employés. « C’est effectivement ce qu’il y a de mieux », déclare Al Pijnacker. « Vous pouvez régulièrement transmettre des statistiques à vos collaborateurs sur leur comportement au volant. Montrez-leurs leurs statistiques personnelles et des chiffres qui mettent en évidence leur comportement routier. »

Luigi Vroman, de l’Académie VIAS, abonde dans ce sens. « Il est très important de faire preuve de transparence. Il serait également préférable d’annoncer les éventuels changements le plus tôt possible. En outre, prenez le temps d’examiner de plus près le profil de vos chauffeurs. Viennent-ils plutôt à vélo, ou peut-être même en transports en commun ? Dans tous les cas, il est recommandé de vérifier votre politique de sécurité en interne avec toutes les parties, puis de la communiquer par le biais de réunions d’information afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté. »

Même son de cloche de la part d’Erik Blankaerts (Vanbreda) : « Vous devez impliquer vos employés dans votre politique de sécurité dès la première étape. Après tout, une responsabilité partagée garantit un succès partagé dans la réalisation des objectifs. Encouragez également les collaborateurs à donner leur avis, puis à en faire quelque chose. »

Quid de la franchise?

Reste la discussion sur les franchises et sur qui porte la responsabilité de les payer. Al Pijnacker d’AON est ferme sur la question : « Que l’entreprise elle-même contribue. » Et de  souligner un dilemme courant où les RH sont réticents à facturer les cadres supérieurs. Sa solution ? « C’est plus juste si la même règle s’applique à tout le monde. Keep it simple. »

Erik Blankaerts, de l’assureur Vanbreda, estime que la pénalité financière pour l’employé ne devrait pas être le seul moyen d’éviter les accidents et met en garde : « À mon avis, cela ne devrait jamais être le seul moyen d’essayer d’éviter les accidents. Faire payer la franchise aux employés n’est pas une mesure de prévention. » Il rappelle également l’importance du rôle exemplaire de la direction et des cadres, et – comme Al Pijnacker – met au premier plan l’évitement de la discrimination entre les différentes catégories d’employés.

Luigi Vroman de la VIAS Academy poursuit sur le fait que certaines entreprises optent pour une augmentation progressive des coûts à charge de l’employé après chaque sinistre, mais prévient aussi que la prise en charge totale par l’entreprise n’est pas non plus la meilleure approche. « Les statistiques montrent que 25% de la population est responsable de 75% des dommages. Un ‘bâton’ financier peut donc être utile dans certains cas. »

S’aider des statistiques

Dans la recherche de la safety-policy parfaite, il faut aussi parler des statistiques de dommages. Nos trois experts insistent sur l’importance d’une interprétation approfondie et personnelle de ces statistiques, d’une collaboration avec des partenaires professionnels, et de l’intégration de solutions technologiques dans la gestion de la fleet safety. « Il n’est pas seulement crucial de disposer de ces statistiques, il l’est tout autant de pouvoir les interpréter de façon objective », soulignent-ils en chœur.

Al Pijnacker (AON) explique comment obtenir ces statistiques. « Vous pouvez les récolter de différentes manières : via les sociétés de leasing, les sociétés ou courtiers en assurances et même via les sociétés de fleet management ». Et de préciser qu’il ne faut donc pas seulement avoir accès à ces informations, mais aussi être en mesure de les analyser correctement.

Erik Blankaerts (Vanbreda) adopte une approche pragmatique, non sans un petit clin d’œil : « Travaillez avec Vanbreda. Nous faisons des rapports, analysons les accidents et testons l’impact de votre politique de mobilité. » Il attire également l’attention sur l’évolution technologique de l’industrie automobile, par exemple sur la façon dont les voitures avancées comme les modèles de Tesla peuvent fournir des données précieuses. « Les voitures modernes peuvent être entièrement lues. Cela peut aussi être une bonne source de statistiques. »

Luigi Vroman (VIAS Academy) suggère de mettre les statistiques de dommages en relation avec le nombre de véhicules et le nombre de kilomètres qu’ils ont parcouru. « Cela vous permettra de calculer des pourcentages. » Il enchaîne sur l’importance de la classification : « Faites aussi une différenciation selon les sinistres en tort et en droit. S’agit-il d’un dommage à l’avant ou à l’arrière du véhicule ? L’accident était-il évitable ou non ? »

Enfin, il recommande aux entreprises d’enregistrer également les ‘quasi-accidents’, soit ceux évités de justesse ou sans dégâts apparents: « Ces quasi-accidents peuvent donner une indication importante sur les paramètres les plus dangereux. »

Evolution des primes d’assurances

Enfin, vient la question de savoir si les tarifs des primes d’assurances vont évoluer en fonction de l’émergence des voitures électriques plus chères, voire de la réduction des kilomètres en raison de l’augmentation du télétravail depuis la pandémie.

Luigi Vroman (VIAS) relativise: « En principe, faire moins de kilomètres signifie prendre moins de risques, et donc faire moins d’accidents. On l’a d’ailleurs clairement remarqué lors de la pandémie de COVID-19. Mais durant cette période, les gens avaient aussi tendance à rouler plus vite, ce qui a eu pour résultat des conséquences plus graves pour les accidents relevés. » Dans tous les cas, Luigi Vroman recommande de consulter son assureur ou son courtier pour savoir comment vont évoluer vos primes.

Erik Blankaerts (Vanbreda) conseille également de se tourner vers son fournisseur d’assurances. « Moins vous avez d’accidents, plus votre marge de négociation est grande. » Mais ne vous attendez toutefois pas à une baisse spectaculaire des primes d’assurances, préviennent nos experts. « Même en cas d’immobilisation sur la voie publique, une voiture doit toujours restée assurée », précise Erik Blankaerts.

Al Pijnacker (AON) partage sa vision: “Rouler moins devraient rimer avec des primes plus faibles. Mais d’un autre côté, tous les coûts de réparations ont augmenté ces dernières années parce que les voitures sont toujours mieux équipées. »

Damien Malvetti

Damien Malvetti, rédacteur de cet article

Damien Malvetti a une formation de journaliste et est passionné par les voitures, la technologie et la mobilité. Il est responsable du contenu éditorial de link2fleet et possède une connaissance approfondie du secteur des flottes et de la mobilité électrique.
Cet article parle de : Gestion de flotte , Assurances et assistance

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