Le 26 février 2024 à 15h23
par Damien Malvetti

Débat politique wallon : les partis n’ont pas le même sens des priorités

Durant l’Automotive eMotion Summit, le Febiac avait organisé des débats politiques avec les représentants des plus importants partis du pays. Un débat par langue pour pouvoir discuter des spécificités de chaque région. Pour la Wallonie, c’est Georges-Louis Bouchez (MR), Georges Gilkinet (Ecolo), Leila Agic (PS), Julien Matagne (Les Engagés) et Daniel Soudant (Défi) qui se sont prêtés au jeu de donner leur avis sur quelques sujets brûlants. Voilà déjà de quoi donner quelques lignes directrices du programme de chaque parti à quelques mois des élections.

||Daniel Soudant|Georges Gilkinet|Georges-Louis Bouchez|Julien Matagne|Leila Agic
||Daniel Soudant|Georges Gilkinet|Georges-Louis Bouchez|Julien Matagne|Leila Agic © ||Daniel Soudant|Georges Gilkinet|Georges-Louis Bouchez|Julien Matagne|Leila Agic

Infrastructure de recharge : dossier épineux

Le débat a débuté par le rappel d’un constat que tout le monde connaît : la Wallonie est largement à la traine en matière d’infrastructure de recharge. Pour atteindre ses objectifs, elle devrait installer 200.000 bornes d’ici à 2030…

Georges Gilkinet
Georges Gilkinet

« La Belgique n’est pas le plus mauvais élève d’Europe », s’est empressé de répondre Georges Gilkinet (Ecolo). « Tout le monde n’a pas besoin de recharger tous les jours et il faut surtout éviter de recharger tous au même moment. Mais oui, il faut effectivement investir dans l’infrastructure. Nous avons lancé des plans d’investissements en la matière et ce sont ceux qui produisent des énergies fossiles qui vont financer ce plan. »

« Et quelles solutions pour Bruxelles ? », a rétorqué Leila Agic. « Dans la capitale, seuls 26% des ménages disposent d’une place de parking ou ils peuvent installer une borne. Où va-t-on dès lors installer des bornes en suffisance pour tous les autres ? Il faudra aussi faire attention de ne pas créer un déséquilibre entre le nord et le sud de Bruxelles comme on a souvent tendance à le faire et tenir compte des ménages qui ne peuvent tout simplement pas investir dans une voiture électrique. »

Georges-Louis Bouchez
Georges-Louis Bouchez

De son côté, Georges-Louis Bouchez (MR) a émis des doutes sur le tout à l’électrique. « A mon sens, il y aura à terme 6 ou 7 types de motorisations qui vont cohabiter. Le full électrique, mais aussi des solutions comme les biocarburants. Il est même possible que le diesel va rester pour certains profils ou usages. Croire que tout le monde pourra passer au full électrique est utopique. Et je suis d’accord sur le fait qu’il faut davantage de bornes, mais je ne pense pas que ce soit à l’état d’investir dans ce domaine. Est-ce-que l’état a investi à l’époque pour installer des stations-services ?! Puis se pose encore la question de l’approvisionnement : si on n’ouvre pas davantage de centrales nucléaires, on n’atteindra pas nos objectifs ! »

« Il est un peu tard pour rouvrir des centrales. Cela prend des années à construire ou à remettre en état », a déploré Daniel Soudant (Défi). « Le particulier est de toute façon encore bien trop réticent à passer à l’électrique. Et comment vont faire ceux qui vivent en ville puisque la législation interdit que le câble traverse le trottoir par exemple ? En Wallonie, on attend toujours qu’un problème se pose avant de chercher des solutions. On doit dès aujourd’hui admettre qu’on ne sera pas prêt pour passer au tout à l’électrique et penser à des solutions alternatives, par exemple l’hydrogène. »

Du côté des engagés, Julien Matagne a rappelé que Jean-Luc Crucke était favorable à la mise en place d’une prime à l’achat des VE par les particuliers comme en France ou en Flandre. « Il est nécessaire d’accompagner les clients particuliers dans la transition énergétique, mais il est tout aussi crucial de développer l’infrastructure. Il y a 4 ans et demi qu’un plan a été lancé en la matière, mais le ministre Henry (Ecolo) n’a encore rien fait en la matière. J’avais également proposé au ministre Henry de mettre en place le ‘droit à la prise’ (qui permet à tout propriétaire ou locataire d’installer une borne de recharge à son domicile, ndlr), mais il l’a refusé ! »

« La meilleure voiture électrique ? Le train »

La fin de l’ère de la voiture est-elle en marche ? Sur ce point, les 5 représentants politiques s’accordent à dire que non : la voiture n’est pas morte. « Demain, il y aura encore des voitures », rassure Georges Gilkinet. « C’est pourquoi il est primordial d’investir dans l’infrastructure de recharge et s’assurer que nous disposerons de suffisamment d’énergie pour répondre à la demande. Les constructeurs sont d’ailleurs en train de développer la technologie V2G qui va aider à réguler les besoins en énergie. Mais je pense que nous devons avant tout investir dans la meilleure voiture électrique qui soit : le train ! Car je rappelle au passage que les embouteillages coûtent 5 milliards par an »

Leila Agic
Leila Agic

Leila Agic (PS) a poursuivi avec ce chiffre : « Moins d’un ménage bruxellois sur 2 dispose d’une voiture. Les bruxellois ont donc déjà entamé la transition vers une mobilité plus durable. La majorité des bouchons provient donc des personnes extérieures qui viennent dans la capitale. Il faut donc aussi agir en dehors de Bruxelles. Les parkings P+R aux entrées de la ville ne servent à rien ! Quant au RER, on en parle depuis plus de 20 ans, mais ce projet n’avance pas. Bruxelles doit donc opérer des changements oui, mais en concertation avec les deux autres régions. »

« Cessons d’opposer les usagers ! », a repris Daniel Soudant (Défi). « Arrêtons de taper sur les automobilistes car quand on vient de la campagne travailler à Bruxelles, il n’y a parfois aucune autre solution que la voiture individuelle. On ne peut pas les culpabiliser ».

Georges Gilkinet a alors reconnu qu’il fallait « mieux connecter Bruxelles en train avec sa périphérie. Il faut ouvrir les alternatives à ceux qui sont esclaves de leur voiture, tout en tenant effectivement compte de ceux qui n’ont d’autre choix que leur voiture pour se déplacer. »

Manque de sécurité dans les transports et les gares

Face à ces deux interventions, le président du MR a souhaité recadrer : « 50% du PIB de Bruxelles provient des navetteurs. Bruxelles est le moteur de notre pays. Si 50% des bruxellois n’ont pas de voiture, c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Je pense aussi qu’il est temps d’entrer dans la modernité au niveau de la mobilité. Par exemple en introduisant des panneaux de signalisation dynamiques qui adaptent la vitesse ou le sens de circulation au moment de la journée par exemple. Les zones scolaires à 30 km/h, c’est très bien pendant les heures scolaires, mais en dehors…ça ne sert à rien d’autre qu’à remplir les caisses de l’état. »

Et de poursuivre : « Augmenter l’offre de bus ? D’accord, mais actuellement, le taux de remplissage des bus est de 17%. Pourquoi les parkings P+R ne fonctionnent pas ? Tout simplement parce que quand vous entrez dans un bus ou une gare et que vous vous retrouvez face à des toxicomanes, ça ne donne pas envie. Les citoyens prendront les transports publics lorsque l’offre sera adaptée, qu’ils seront plus accessibles et surtout lorsqu’ils s’y sentiront en sécurité ! »

Daniel Soudant
Daniel Soudant

Daniel Soudant a quant à lui ajouter que pour inciter les citoyens à prendre les transports en commun, « il faudrait que les parkings des grandes gares soient gratuits. Cela coûte parfois plus cher en parking que le prix du billet de train. »

 

Des zones dédiées aux EV sur nos routes ?

Tout comme lors du débat flamand, Julien Matagne (Les Engagés) a souligné que la Norvège avait déjà réussi sa transition électrique et comptait 80% d’EV’s. « Cette réussite vient notamment du fait que la Norvège a mis en place des bandes de circulation et des places de parking dédiées aux voitures électriques ! Voilà ce qu’il nous faut en Belgique ».

Voiture autonome : pas encore pour demain !

Dernier sujet de ce débat plutôt animé : la voiture autonome. Ici, si les partis sont plutôt favorables à l’idée, c’est surtout sa mise en service qui pose encore trop de questions, comme l’a souligné Georges Gilkinet. « C’est clairement une partie de l’avenir de la mobilité, notamment dans les zones rurales. La voiture autonome peut servir à amener des citoyens vers les gares par exemple, puis continuer sa route. Ça éviterait toutes ces voitures qui stagnent toute la journée sur le parking des gares. Mais se pose encore la question de la responsabilité en cas d’accident. »

Georges-Louis Bouchez a abondé dans le même sens, ajoutant que la voiture autonome serait une révolution colossale pour le secteur puisqu’elle ferait passer la voiture de la possession à l’usage. Elle pourrait s’inscrire, comme d’autres solutions de mobilité alternative, dans un budget de mobilité. Je regrette par contre qu’il n’y ait pas encore de débats au parlement sur le sujet. Peut-être pourrait d’ailleurs commencer par mettre en service des navettes autonomes ? »

Julien Matagne
Julien Matagne

« Les navettes autonomes pourraient servir en milieu rural puisqu’il manque de bus », a renchérit Julien Matagne (Les Engagés), qui a également souligné la question de la responsabilité en cas d’accident et du choix que la voiture devra faire en cas de choc inévitable : quelle vie devra-t-elle sauver entre un piéton et son passager par exemple si la collision ne peut être évitée ? »

« En plus de la question de la responsabilité, il y a aussi celle de la taxation », a poursuivi monsieur Bouchez. « Je suis favorable à la taxe au kilomètre, à condition qu’on supprime toutes les autres taxes sur les véhicules, y compris les accises. »

Une idée partagée par Daniel Soudant (Défi) : « Il faudra taxer différemment la possession du véhicule et prendre aussi en compte les types d’utilisateurs (professionnels, privés, etc.). »

 

Intéressé par le débat entre les partis flamands? Découvrez notre compte-rendu ici. 

 

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Damien Malvetti

Damien Malvetti, rédacteur de cet article

Damien Malvetti a une formation de journaliste et est passionné par les voitures, la technologie et la mobilité. Il est responsable du contenu éditorial de link2fleet et possède une connaissance approfondie du secteur des flottes et de la mobilité électrique.
Cet article parle de : Actus

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